Deux Montpelliérains font du jus de baobab une «potion magique»
Deux ingénieurs agronomes ont découvert sur une paillasse de laboratoire les vertus du baobab, « l’arbre pharmacien » d’Afrique. Associés au sein de la société Matahi, Raphaël Girardin et Alexandre Giora en ont tiré un jus énergisant qu’ils exploitent sous un modèle écoresponsable, profitable aux fermiers du Bénin.
« Il était hors de question de reproduire ce qui s’était passé avec l’exploitation du cacao en Afrique au XIXe siècle(1) », annonce tout de go Raphaël Girardin. Les baobabs que nous cultivons au Bénin appartiennent aux adhérents d’une coopérative. Nous faisons partie d’une génération qui prend en compte l’humain et la raréfaction des ressources. En tant que pays riche, économique fort, nous avons le devoir de changer les choses et de montrer l’exemple. »
Au nord du Bénin, à Ouaké, c’est ainsi que 400 familles vivent désormais de l’exploitation du baobab, l’arbre le plus célèbre d’Afrique – reconnaissable à ses branches en forme de racines -, connu pour ses vertus anti-inflammatoires et anti-oxydantes.
Les Africains l’appellent d’ailleurs « l’arbre magique », « l’arbre pharmacien » ou « l’arbre de la vie ».
Jusqu’en 2009, sa commercialisation était impossible en Europe. L’interdiction levée, Raphaël Girardin et son ami d’enfance Alexandre Giora – tous deux ingénieurs agronomes – se sont engouffrés et ont créé la toute première filière agricole autour du baobab.
Avant d’arriver jusqu’à l’extraction de la pulpe et la création d’un jus, deux ans de recherche, en collaboration avec l’Inra, AgroParisTech et Montpellier SupAgro, ont été nécessaires.
La recette d’une boisson, au goût des Occidentaux et qui conserve au maximum les valeurs nutritionnelles du fruit, a finalement été élaborée sans ajouter aucun produit synthétique.
Trouver des organismes de financement était un autre combat. « Lors d’une présentation de notre projet, un décideur nous avait demandé, sans rire : « rassurez-moi, votre histoire de jus de baobab, c’est une blague ? »… », se rappelle Raphaël Girardin.
Des victoires à des concours d’entreprises (Graine d’Agro, AgroPole, Coup de pouce, etc) vont donner la crédibilité nécessaire au projet. En 2013, la première bouteille se retrouve dans la très chic enseigne Colette à Paris ! Aujourd’hui, il s’en vendrait une toutes les quatre minutes, d’après le chef d’entreprise.
Après avoir levé plus d’un million d’euros et convaincu de solides investisseurs privés – dont le rugbyman international François Trinh-Duc -, Matahi n’est plus une start-up, mais une véritable entreprise en pleine expansion.
La société est accompagnée, dans sa phase de croissance, par la Banque Populaire du Sud. « Matahi est une vraie belle histoire de business raisonné du XXIe siècle, assure Frédéric Planche, directeur Sud Innovation, l’agence de la BPS dédiée aux start-ups. Pour être aux côtés d’un tel projet exemplaire, il faut être un banquier bio ! »
Le jus de baobab « made in Montpellier » est distribué dans les boutiques spécialisés bio et dans les milieux sportifs. Mais Raphaël Girardin « rêve d’être partout dans le monde » et « de titiller les grands groupes agroalimentaires, avec un modèle social et environnemental différent. »
Les Jeux Olympiques de 2024 à Paris, dont il aimerait être partenaire, pourraient bien lui en offrir l’opportunité.
(1) – Quelques multinationales ont exploité les petits producteurs et exportateurs locaux, abusant d’une main d’œuvre locale peu chère, du travail forcé, voire de l’esclavage.